lundi 6 octobre 2014

Trois univers se (dé)mêlent

À la manière des Notes de Chevet de Sei Shônagon (XIème siècle). 

Choses élégantes : Une femme au menton souverain. Boire de l'eau dans un verre à pied. Les nappes blanches des restaurants. Une veste croisée bien ajustée.
Choses désolantes : Une vieille dame qui fait la manche à Paris et qui ne semble pas être à sa place. Un animal abandonné. La malveillance des hommes. Une femme qui pleure et qui vacille.
Choses qui font battre le coeur : Découvrir chaque matin l'océan, les doux rouleaux des vagues dans la lumière chatoyante de l'aube. Le regard d'une muse. Aimer les autres ; se sentir aimée. Prendre conscience de l'instant présent, sa beauté, sa fragilité, son sourire d'éternité.

Inspirés des trois listes de choses : trois univers, trois paragraphes, trois personnages. Puis... tout mêler, tout démêler !


C’est en débarrassant la maison de sa mère, que Marie, découvre au fond d’un tiroir une enveloppe en papier gris. Curieuse, elle l’ouvre et découvre une centaine de feuillet sur lesquels elle reconnaît l’écriture de sa mère. De plus en plus intriguée, elle s’assoie sur le canapé de velours usé et commence sa lecture.

Sa mère, Jeanne, a 13 ans. Elle vit en Bretagne, dans une grande maison de granite, en bordure de mer. Ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est de découvrir chaque matin les doux rouleaux des vagues dans la lumière chatoyante de l’aube. Elle peut rester là, à la fenêtre, pendant des heures. Elle prend alors conscience de l’instant présent, de sa beauté, sa fragilité et en même temps de son sourire d’éternité. Jeanne est une adolescente qui aime les autres, qui va vers eux spontanément, elle aime se sentir aimée, aussi elle n’hésite pas à écrire dans son journal, ses impressions, ses souhaits, ses désirs, sentant sur elle le regard de sa muse.

La famille de Jeanne est aisée. Ses parents reçoivent beaucoup. Elle n’est pas toujours conviée aux repas, et s’est cachée dans l’escalier recouvert d’un épais tapis rouge, qu’elle espionne les convives. Elle admire en secret sa mère, Simone, c’est une femme au menton souverain. Elle est toujours très élégante dans ses robes de soie moirée. Près d’elle, son père, Adrien, sanglé dans une veste croisée bien ajustée. Les nappes blanches resplendissent, comme au restaurant. La porcelaine, l’argenterie et le cristal lancent mille feux. Pour Jeanne, le summum de l’élégance est de boire de l’eau dans un verre à pied. Aussi, va-t-elle régulièrement à la cuisine demander à Clotilde, la gouvernante, un verre d’eau. Elle mime alors les gestes des convives, reposant délicatement leur verre sur la nappe immaculée.

Marie continue sa lecture. Elle ne voit pas le temps passer. Le soleil descend lentement à l’horizon et teinte le ciel de marbrures rose lavande. Elle découvre qu’au décès de ses parents, Jeanne a congédié Clotilde, ne pouvant assumer le faste de sa jeunesse.

Le départ de Clotilde l’intrigue. Rien dans le manuscrit n’indique ce qu’il s’est passé. Il faudra qu’elle demande à sa mère ce qu’il en est. Le week-end se termine. Elle doit rentrer à Paris et reprendre le cours de sa vie. Elle a emporté avec elle les feuillets, bien décidée à en parler à sa mère.

Un soir, en empruntant les couloirs du métro, elle voit, venant vers elle, une femme qui pleure et qui vacille avant de s’asseoir par terre. La vielle dame fait la manche. Quelque chose dans son maintien, fait dire à Marie, qu’elle ne semble pas être à sa place. Elle se met à l’écart et observe. Les gens passent près de la vieille femme sans la voir. On croirait presque un animal abandonné, là, seul, laissant complètement indifférents ces hommes malveillants. Marie s’approche, se met à la hauteur de la femme et lui parle doucement. Après un long moment, les deux femmes se dirigent vers la sortie. Installées sur un banc, elles partagent un paquet de biscuits tout en bavardant.

Il est l’heure de se séparer. Marie qui veut revoir la femme, lui indique son nom et son adresse sur un bout de papier. Elle lui fixe également rendez-vous, pour le lendemain, a la station qui les a réunies. Au moment de partir, Marie lui demande son prénom, « Clotilde » répond la femme. Ce prénom fait écho dans la mémoire de Marie mais elle n’en laisse rien paraître. Elle va mener son enquête.

Les deux femmes vont se revoir très régulièrement. Marie a trouvé une place dans un foyer pour Clotilde. Celle-ci reprend peu à peu non seulement des forces, mais aussi de l’assurance. Au fil du temps, Clotilde et Marie vont s’apprendre, se découvrir, se raconter,  et c’est ainsi qu’elle vont se découvrir un point commun : « Jeanne ». Ensemble elle vont aller à la maison de retraite lui rendre visite.

Michèle

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