mardi 6 octobre 2015

Bascule entre confiance et angoisse

Ce matin son réveil avait sonné plus tôt que dhabitude et il était déjà debout sous la varangue. Les palmiers sagitaient doucement sous la brise légère des alizés. Il avait couru jusquau port, la foule joyeuse se pressait nombreuse et volubile. Le bateau ne tarderait pas.
Panama, complet clair et lunettes de soleil il avait fière allure et le savait. Il ne tenait pas en place, cherchait des yeux des personnes de sa connaissance, il ny en avait pas mais il souriait, virevoltait, avait envie de danser. On lui rendait ses sourires et dans cette foule bigarrée, colorée, les rires fusaient. Son énorme bouquet de balisiers pourpres à la main suscitait quelques commentaires amusés. A sa voisine, il montrait des photos tout en commentant :
— Oui ma chère, cette jolie femme que jattends elle ne connait pas notre île, mais elle en rêve déjà. Jai tout préparé, jai envoyé des photos, nous avons causé sur internet, vous connaissez skype, nest ce pas ?
— Oui bien sûr répliqua la belle créole, mais vous vous êtes déjà rencontrés nest ce pas ?
— Non , mais nous allons nous marier, ajouta-t-il bombant le torse, je suis certain quelle voudra rester ici. Vous connaissez quelquun qui refuserait la vie au soleil ?
La jolie chabine sourit gentiment mais dans ses yeux verts il cru percevoir une lueur dinquiétude.

Et si Sylvia n’était pas dans ce bateau ? Sil navait pas exagéré ses descriptions exotiques, le paradis au sable doré, la mer turquoise Cest vrai il y avait aussi les ouragans, le chômage endémique et toutes ces cases plus ou moins délabrées depuis le dernier coup d’État. Il se retourna, scrutant la foule compacte qui soudain lui parut plus hostile. Certains parlaient déjà du paquebot retardé, des rumeurs circulaient. Il recula, il voulait savoir, il se faufila, chercha le responsable du port. A lhorizon les nuages samoncelaient, mauvais présages ! Ses lèvres, ses mains tremblaient.  Quel fou il était, toujours à foncer tête baissée, à prendre ses désirs pour des réalités.

Mais cest vrai, il était optimiste de nature et cela lui avait plutôt bien réussi jusqu’à présent alors
Il se secoua, redressa les épaules et fendit la foule à nouveau de son pas élastique.
Ce soir serait une fête, il le voulait, il le savait. Sylvia se jetterait dans ses bras , il lui offrirait ses superbes fleurs, ils iraient dîner au Paille Coco sur la plage. Devant le rocher du Diamant les voiliers se balanceraient langoureusement, lorchestre jouerait cet air irrésistiblement voluptueux et les étoiles scintilleraient dans les yeux de Sylvia.

Mais ce navire qui narrivait pas ? pourquoi? La multitude autour de lui semblait sexaspérer, les rires avaient cessé, les voix se faisaient plus sourdes, les regards plus fuyants, que se passait-il ? Personne ne savait, de petits groupes se formaient, il alla de lun à lautre tentant dintercepter des conversations, personne ne lui prêta attention, chacun replié sur son angoisse. Son bouquet  maintenant lembarrassait, son panama navait plus lair aussi conquérant.

Non, il n’allait pas flancher, se laisser aller à la morosité ambiante; rien nétait encore joué, il ne sagissait que dun contretemps. Soudain une sirène retentit, une longue forme blanche se dessina à lhorizon, un panache de fumée s’éleva à la rencontre des nuages.
Son cœur cogna dans sa poitrine qui allait éclater. Le paquebot sapprocha, glissa vers le quai devenu survolté. On devinait déjà des silhouettes sur le pont soleil, il chercha Sylvia des yeux, tant de monde, tant de couleurs. Il se hissa sur la pointe des pieds, brandit son bouquet éclatant, cria, trépigna, dansa.

Il lavait reconnue, elle était là, à lui de jouer maintenant. Il allait la séduire il en était convaincu !


Annette

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